ARTICLE DIRECT VELO
CRÉDIT PHOTO FREDDY GUÉRIN / DIRECTVELO
Par NICOLAS GACHET
Le 14 août 2025,
Au moment où Thaïs Poirier s'impose lors du Championnat de France Juniors, son père n'est pas présent sur la ligne d'arrivée. Le Périgourdin a préféré se placer en haut de la dernière bosse du circuit tracé autour de La Tour-du-Pin. “Je savais que c'était le juge de paix”, rapporte Yohan Poirier. Il a ainsi vu passer sa fille Thaïs avec six secondes d’avance sur Lise Revol (Grand Est), et s’envoler vers un second succès quatre jours après un premier sacre sur le chrono individuel. Dimanche, un peu avant midi, il y avait forcément beaucoup d'émotion chez l’actuel directeur sportif du CC Périgueux Dordogne et l’ancienne cycliste Gaëlle Carreau, après le doublé de leur fille en Nord-Isère. Pour DirectVelo, Yohan Poirier est revenu sur cette semaine faste et sur le parcours de Thaïs.
DirectVelo : Comment as-tu vécu le doublé de Thaïs ?
Yohan Poirier : Franchement, ce sont des émotions incroyables. C'est vraiment beau de pouvoir vivre ça. Déjà mercredi, c'était exceptionnel de pouvoir gagner le chrono. On savait qu'elle était dans les cinq meilleures mais de là à s’imposer, c'était déjà très fort. Aujourd'hui (dimanche), avec Lise (Revol), je pense qu’elles étaient les deux plus fortes à la jambe. Ça s'est joué dans la dernière montée. Thaïs a eu la bonne réaction d'attaquer dès le pied pour user Lise jusqu'en haut. C'était ce que François Trarieux lui avait dit. On savait que l'arrivée était en haut de la bosse, elle a basculé avec six secondes d’avance et ça l’a fait.
Est-ce que tu t’attendais à un tel Championnat de France de sa part ?
Elle avait très bien préparé ce Championnat de France. C'était vraiment un gros objectif depuis le Tour du Gévaudan. L'objectif n°1, c'était le Gévaudan, et le n°2 c'était ce Championnat de France. Elle est Junior 1ère année, elle fait une saison exceptionnelle. Forcément, quand on est papa, il y a énormément d'émotions. C’est super de vivre ça. Elle le mérite pour voir ce qu’elle peut faire au quotidien. Bien sûr, Lise l’aurait aussi mérité, Lilou (Jauvin, 3e, NDLR) a aussi fait une superbe course. Ce que j'apprécie, c'est de voir le groupe de copines. Que ce soit à Marmande, en Nouvelle-Aquitaine ou en équipe de France, elles sont toutes hyper respectueuses. Elles sont toutes venues féliciter Thaïs. Je trouve ça vraiment très beau.
« CE N’EST PAS MON RÔLE »
Tu n’es plus son entraîneur depuis l’an dernier…
En effet, je ne l'entraîne plus depuis fin 2024. On en a parlé avec Thaïs en septembre dernier. On s'était dit que le rôle des parents ne devait être que celui de papa et de maman. Elle fait confiance à son entraîneur, Camille Chancrin. Tout comme elle fait confiance à Emilian (Broë) en équipe de France et à François avec le comité qui avait encore tout vu avant la course. La semaine de Nouvelle-Aquitaine est vraiment folle.
Est-ce simple pour un père qui est directeur sportif de ne pas faire un contre-briefing à sa fille ?
Ce n’est pas mon rôle, je ne suis pas là pour ça. Comme j'ai dit à François, la seule chose que je dis à Thaïs c’est qu’elle doit juste prendre du plaisir et ne pas passer la ligne avec des regrets. C'est François qui mène son groupe et fait le briefing. Moi, j'ai une façon de voir la course qui était aujourd'hui (dimanche) la même que François. Il est très bon dans cet exercice-là, comme Emilian est très bon. Samedi, j’ai passé les bidons pour les Espoirs de la Nouvelle-Aquitaine parce que je préfère les aider dans ce sens-là. J'avais juste dit que pour la course de Thaïs, je ne le ferai pas car j’étais trop impliqué pour cela. L’après-midi, j’ai remis la veste du comité parce qu'on est aussi là pour les aider. Il y a un super groupe en Nouvelle-Aquitaine.
Elle t'impressionne ?
Quand je peux, je vais rouler avec elle. Sur le plat, j'ai encore un peu de jambes pour la suivre, mais dans les bosses, elle est incroyable. Typiquement sur les circuits durs comme celui du Championnat, elle est vraiment très forte.
« ON NE PENSE PAS TROP À LA SUITE »
Avec des parents cyclistes, était-ce une évidence pour elle de faire du vélo ?
Pas du tout ! Toute petite, elle nous disait “papa et maman, vous avez toujours fait du vélo. Moi, je ne veux pas en faire”. Elle a commencé par la danse, puis elle a enchaîné avec la gym et l'équitation. Et puis un jour de juin 2021, elle est venue me voir et m’a dit “papa, je ne pourrais pas faire un tour de vélo ?”. J'ai dit “comment ça un tour ?”. Elle m’a répondu : “Je voudrais bien faire un peu de vélo”. Un ami, Damien Jeammet, nous en a prêté un. Et Thaïs a commencé comme ça pendant tout l'été. Elle a fait sa première course en septembre 2021. C'était le Championnat de Dordogne où elle fait 3e, c’était anecdotique.
Puis ça a vite fonctionné…
L'année d'après, en Minime 2, elle a fait une dizaine de courses dans l'année. En Cadette 1, c'était un peu plus. Elle fait 9e à Plédran au Championnat de France. Et puis l'année dernière, elle fait 4e du chrono et 7e de la course en ligne. Et puis cette année, c'est vrai qu'elle était prête et en forme.
Elle va déjà avoir des sollicitations d’équipes professionnelles… Comment vois-tu la suite pour elle ?
Elle va rester avec papa et maman jusqu’à juin 2026, il y a le bac à passer. Pour l'instant, on ne pense pas trop à la suite. Elle est J1 donc il y a le temps. Si elle doit passer au-dessus, elle passera au-dessus. Et si ça doit d'abord passer par une N1 pendant 1 ou 2 ans, elle le fera. Je ne suis pas de ceux qui disent qu'il faut absolument passer pro à 19 ans. C'est le discours que j'ai depuis le départ. Cette année, Louis Hardouin fait sa plus belle saison à 24 ans. C’était aussi le cas d’Emilien Jeannière qui marche très fort aujourd’hui. Il ne faut pas dire à un jeune qu'il a raté sa carrière car il n'est pas pro à 19 ans. Il y a des gens qui éclosent plus vite que d'autres. Pauline Ferrand-Prévot a gagné son premier Tour de France à 32 ans. Les filles qui marchent au Tour de France n'ont pas 22 ans. Je pense que chez les filles encore plus que chez les garçons, ça vient de la maturité physique. Célia Gery et Cat Ferguson sont des exceptions comme Tadej Pogacar. Il y en a très peu.