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=► Vélo: le travail pendant l’intersaison

 

Par le Docteur Jean-Jacques MENUET

Ce que je vais exposer représente un cadre général, chacun y trouvera des conseils qui lui paraissent intéressants ; mais aussi peut-être des incohérences en fonction de sa pratique ; j’insiste aussi sur le fait que je ne suis pas entraîneur, si vous avez un coach et/ou un préparateur physique lui seul peut vous établir un programme personnalisé. J’ai eu et j’ai la chance que de nombreux cyclistes de haut niveau me consultent, j’ai travaillé plusieurs années dans une équipe professionnelle, et mon expérience est le résultat de ce que je sais, de mon expérience, mais aussi et surtout de mes observations dans le haut niveau, de l’expérience de « mes » coureurs, également au contact avec des entraîneurs et directeurs sportifs. Et puis je suis médecin, l’objectif de mes conseils est aussi voire surtout de faire de la prévention par rapport aux microtraumatismes, au surentraînement, et je vais également parler du rôle majeur de la nutrition.

 C’est pendant l’intersaison que doit être géré tout ce qui ne peut pas l’être pendant la saison : le bilan ophtalmologique, le bilan dentaire (pendant la saison devoir nécessiter de soins dentaires à quelques jours d’un objectif sportif c’est pour moi une faute professionnelle ; soigner une carie même si elle est minime et qu’elle ne fait pas mal, surveiller la « pousse » des dents de sagesse), le bilan ORL (si obstruction nasale chronique, sinusite), le bilan pneumologique si le coursier présente des signes respiratoires pouvant évoquer un asthme d’effort avec la mise en garde car l’utilisation d’un traitement qui dilate les bronches et/ou l’utilisation de corticoïdes locaux n’est possible QUE SI le sportif constitue un dossier très complet à soumettre à l’ « AFLD » (Agence Française de Lutte contre le Dopage) ; le bilan podologique qui à mon sens doit être systématique et à réaliser chez un podologue DU SPORT, un bilan dermatologique si soucis de périnée, nodules, kystes etc., bilan chez un allergologue si allergies cutanées ou ORL; le test d’effort dont l’objectif est de disposer de données objectives pour gérer son travail hivernal : que valent les jambes en Watts ? Comment se situe le niveau d’aérobie ? Car ce qui importe c’est la qualité de l’entraînement beaucoup plus que la quantité. Un bilan sanguin est à réaliser à la recherche de carences. Et bien sûr une consultation auprès du médecin traitant ou du médecin du sport doit être envisagée pour guider le contenu des examens à réaliser.

PREALABLE ATTENTION DANGER    car souvent le coursier change son vélo pour la saison future ; le danger est grand de voir apparaître des tendinopathies, essentiellement un syndrome rotulien (le cartilage sous la rotule souffre, souvent par désaxation externe de la rotule), une tendinopathie rotulienne (le quadriceps tire trop sur une ou les rotules), et le syndrome de « l’essuie-glace » encore dénommé « TFL » (il s’agit du tendon du tenseur du fascia-lata qui vient frotter contre le condyle fémoral externe)

D’OU L’IMPERIEUSE NECESSITE de mettre en route très progressivement l’usage du nouveau vélo ; il en est de même pour un changement de chaussures ou un changement de semelles orthopédiques.

A —MUSCULATION :

1ère solution: travailler en salle:

Echauffement sur Home traîneur : « cardio » =

–     Echauffement progressif (5 minutes)

–     Puis pendant 5 minutes : bien enrouler, bien ressentir la remontée de la pédale, se concentre  sur la qualité de la respiration, autour de 130 de FC, environ 90T/minute, bien appuyer sur les pédales.

–     Puis 2 ou 3 sprints de 15 à 20 secondes,

–     Puis bien tourner les jambes pendant 5 minutes, en laissant tranquillement baisser la FC, en se concentrant bien sur la respiration. 

–   Boire ½ bidon d’une boisson sucrée (sirop de fruits) pendant cet échauffement.

–     Puis 5 minutes d’étirements ; attention : un étirement mal fait, c’est pire que pas d’étirement du tout; donc ne pas hésiter à prendre les conseils d’un kinésithérapeute qui expliquera la technique de chaque étirement. Chaque étirement doit s’accompagner d’une bonne concentration sur la respiration ; un étirement ne doit jamais être douloureux : ne jamais forcer.

Puis la séance de musculation proprement dite commence : il va surtout s’agir de travailler le caisson abdominal, les dorsolombaires, les cuisses et jambes si besoin ; j’insiste sur la notion que prendre du muscle pour prendre du muscle ne doit pas être l’objectif : ce qui importe c’est la qualité, le rendement du muscle, en privilégiant avant tout la vélocité du muscle. Pour cela je conseille très volontiers de consulter un kiné du sport qui apprendra les exercices spécifiques, à travailler ensuite chez soi. Ou bien travailler dans une salle, à condition que le moniteur soit disponible et pas avare de conseils. Dans certaines situations (rouleur, sprinter, pistard) il faut mettre des watts dans les jambes : un peu de demi squats (jamais de squats complets chez le cycliste, ça arrache les rotules), mais pas trop ; les faire en tonicité (voir avec le moniteur de la salle) Boire régulièrement  pendant cette séance (eau + un peu de sirop de fruits et un peu de sel. 

2ème solution: le travail de musculation peut être réalisé sur le vélo, en spécifique, avec 2 possibilités :

-> Soit du fractionné de braquet (sortie d’une heure : 15 minutes d’échauffement, 30 minutes pendant lesquelles il faut alterner 2 minutes (« tout à droite » avec une bonne fréquence de pédalage) puis 2 minutes tranquille en tournant bien les jambes, puis 2 minutes de plaque, etc. Ce qui est essentiel : les derniers 50 mètres de chaque phase de braquet doivent être parcourus en vélocité avec la même résistance c’est à dire qu’il faut transformer le gain de puissance en vélocité : la force pure ne sert à rien, ce qui importe c’est la vélocité, l’explosivité de la fibre musculaire, car en course le muscle se comportera comme il a « appris » à l’entraînement, et l’objectif sera plutôt de placer un démarrage en bosse (la « bonne giclette ») ou au sprint de pouvoir réagir à la seconde au démarrage d’un coursier, ou encore de sortir du peloton au moment où celui-ci reprend une échappée. Terminer la sortie par 15 minutes cool en tournant les jambes.

-> Soit du fractionné de bosses : même schéma (15-30-15 minutes) ; choisir une bosse régulière, de 300-400m de longueur, pas plus. La monter assis, les reins bien bloqués, avec les jambes sans les bras, autour de 55-60 tours/minute, en veillant à choisir un braquet qui ne « déchire » pas les rotules. Là encore il est essentiel, sur les derniers 50 mètres de l’ascension, de « gicler » en augmentant la fréquence de pédalage sans changer de développement et de continuer à tourner vite les jambes dans les 1ers mètres de la descente. 

RETENEZ DONC QUE L’OBJECTIF EST DE TRANSFORMER LA PUISSANCE EN VELOCITE ET EXPLOSIVITE. 

ATTENTION : le coursier doit être à l’écoute de son corps, de ses sensations : la moindre douleur, le moindre inconfort = réagir, adapter = passer à un autre exercice, consulter son kiné ou son médecin à la moindre alerte. 

B — NATATION : intérêt pour progresser en aérobie, pour optimiser la respiration (savoir synchroniser la respiration et le geste sportif) d’où l’intérêt de nager le crawl ventral par exemple), pour muscler les jambes (surtout les muscles vaste-interne dont le rôle est essentiel chez le cycliste pour prévenir les pathologies du genou), pour travailler le caisson abdominal. Faire des longueurs (nager sur le dos; pas de brasse ; un peu de crawl ventral en veillant à bien tourner la tête pour respirer et non pas à redresser la tête en la sortant de l’eau) tranquilles, sans interruption, sans être essoufflé. Terminer par quelques longueurs en intensité, puis bien récupérer. 2 séances par semaine d’une bonne heure. Boire régulièrement (sirop de fruits peu dosé) pendant la séance. Avec des palmes, on travaille encore plus les jambes et les abdominaux. On peut varier les exercices en plaçant un « pull-boy » entre les jambes, ce qui optimise le travail des abdominaux et des épaules. Pour l’aspect « fun » et surtout pour travailler l’aspect « sérénité » et « maîtrise des émotions » au niveau du mental, je conseille quelques exercices en apnée sur une longueur (ou ½ longueur !!) (Mais interdit si problème d’oreille : antécédents d’otite, ou si nez bouché) Pendant les séances de natation, bien se concentrer sur la respiration, c’est absolument essentiel.  Attention si problèmes ORL. Bien se savonner après la séance (conduits auditifs aussi) ; bien rincer.  

C— COMMENT ROULER : ATTENTION, il ne s’agit que d’un schéma général, car chaque coureur est différent, chaque protocole d’entraînement est donc différent. Et de toute façon seul le test d’effort peut permettre de guider les grandes lignes de l’entraînement de l’intersaison ; il ne s’agit donc QUE de conseils généraux.

FAUT-IL COUPER ??? C’est la grande question ; ma réponse : ça dépend !!! Voici mes éléments de réflexion :

  • Chacun est différent, un cycliste qui a pétrolé dur jusqu’à la fin de saison a le droit de récupérer.

  • Un cycliste qui marche dès le début de saison va devoir couper moins qu’un coursier qui n’a ses objectifs qu’à partir du mois de mai ou juin

  • Un cycliste en surpoids va devoir rapidement mettre en place un gros travail de foncier pour « taper » dans le gras

  • Dans la tête ça fait du bien de couper

  • Il faut suivre ses sensations physiques mais aussi mentales : certains ont besoin de couper, d’autres moins.

  • Le contexte familial est bien sûr à prendre en compte, car il faut aussi consacrer du temps à sa famille, sa copine, ses enfants ; sinon gare aux « surprises » !! mais aussi ses copains, bref vivre.

  • Certains participent à quelques cyclo-cross.

Ma réponse est le plus souvent : c’est ton entraîneur qui voit, ça fait du bien de couper mais par contre couper ça ne veut pas dire ne rien faire, et je vais développer ce que doit être le contenu de la préparation hivernale.

Le premier objectif est de constituer un gros fond d’aérobie ; c’est comme les fondations d’une maison : elles doivent solides. Il faut travailler en qualité plus qu’en quantité (c’est l’intérêt du test ‘effort). 

Rouler en aérobie ce n’est pas « sortir son chien » à la même allure pendant 2 heures : Non !! Retenez que pour travailler le foncier il faut :

1/ Rouler longtemps dans une zone où on est capable de respirer à l’aise, capables de parler, ça chauffe un peu, on transpire un peu ; je parle souvent d’ « aérobie conversationnelle » En gros la fréquence cardiaque se situe autour de 130, mais la fréquence cardiaque n’est pas le critère essentielle : il faut se caler sur SES sensations respiratoires : « je suis bien, je respire bien, je serais capable de rouler 10 heures à cette allure »

2/ Mais aussi, en complément, il faut rouler à un niveau plus intense, mais en fractionné ; pourquoi ? Parce que si on ne roule que dans la zone basse et moyenne de l’aérobie, on va être « diésel » complet, « scotché » sur le bitume à la moindre accélération du peloton ; et quand on roule en fractionné en haut de sa zone d’aérobie (sous le seuil, sans le dépasser) il s’agit encore d’un travail en aérobie, indispensable à réaliser. Par exemple fractionner en milieu de sortie, pendant 30 minutes en faisant 3 minutes à allure tranquille, « je respire bien et je suis virtuellement capable de parler, mais ça chauffe quand même » puis 3 minutes à une intensité telles que ma respiration est un peu plus difficile mais « je respire encore et je suis encore capable de parler même si c’est plus dur » ; la fréquence cardiaque (qui n’est pas le bon critère) est entre 150-160 et je répète que le coursier doit se coller sur ses sensations respiratoires ; cette phase de fractionné comportera 3 à 5 périodes « en haut » de la zone d’aérobie si bien que l’exercice dure 20 à 30 minutes ; (le nombre de répétitions dépend de l’état de forme, et dans les 1ères semaines 3 fractionnés peuvent suffire)

3/ Donc une sortie de 90 minutes pourra comporter 30 minutes cool, vélocité; puis 30 minutes de fractionné; puis 30 minutes de retour en aérobie moyenne. Une sortie plus longue peut comporter un exercice de fractionné d’intensité, et un exercice de musculation spécifique braquet ou bosses, mais attention ces 2 exercices doivent être séparés par au moins 30 minutes d’aérobie moyenne, et surtout il n’est pas question de se « déchirer » avec des sorties trop musclées, surtout chez le coureur amateur.

Comment rouler : en tournant bien les jambes, en travaillant +++ sur la vélocité ET sur la remontée de la pédale (pour optimiser le travail des ischio-jambiers et avoir ainsi un coup de pédale plus harmonieux, plus fluide, et donc plus efficace) et en veillant à bien harmoniser la respiration avec le coup de pédale.

 

A partir de janvier : les sorties seront plus longues, 3 sorties de 3 heures par exemple.

 

A partir de février, commencer le « fractionné court » = séries de sprints, en structurant par exemple 2 sorties par semaine ainsi composées : 30 minutes en tournant les jambes ; puis 10 minutes d’intensité (160-170 FC) ; puis tourner les jambes tranquille pendant 10 minutes, FC 130-140; puis 3 séries de 4 répétitions de sprints (longueur du sprint est fonction de la spécificité du sprinter : court ou long sprinter) : en moyenne 200 mètres par sprint, durée de la récup entre chaque sprint = durée du sprint, durée de la récup entre chaque série = 3 minutes en tournant les jambes ; puis une heure 130-140. A ces 2 sorties hebdomadaires ajouter 1 ou 2 sortie(s) d’une heure en intensité (165-170). Certains coureurs préfèreront travailler le fractionné sur Home-trainer : je suis d’accord ; 10 minutes échauffement, puis 15-20 minutes de fractionné (5 sprints de 20 sec avec petit développement pour favoriser l’accélération cardiaque et ne pas solliciter trop le muscle), repos de 20 sec entre chaque sprint; récup 2 minutes entre chaque séries ; faire 3 ou 4 séries ; puis récup tranquille 10 minutes.

 

Toujours veiller à boire un bidon de 500ml par heure, un petit peu par un petit peu même s’il fait froid. Mettre un gros bandeau ou un bonnet qui recouvre bien le front car au niveau du front se trouvent de nombreux récepteurs au froid, Après une sortie où le coursier a beaucoup transpiré, boire d’abord 250ml de Vichy St Yorre, puis une boisson sucrée. S’il pleut, il est intéressant de sortir quand même car la pluie ça existe aussi pendant les courses !! (Le matin, ne pas se recoucher s’il pleut !! Veiller à la qualité des étirements avant et après l’effort (les étirements avant effort seront faits après l’échauffement, jamais « à froid ») Ne pas hésiter à bénéficier des conseils d’un kiné du sport.

 

 

D— VTT : il présente un intérêt pour « changer » dans la tête ; il a aussi l’avantage de travailler les réflexes et la tenue sur route, l’équilibre sur le vélo, aspect intéressant si sur une course sur route une chute a lieu devant soi, ou si par exemple des virages sont à négocier sur sol mouillé ou gras, ou une plaque de gasoil dans un virage (déjà vu…) ou encore des gravillons. Donc OK pour en faire un peu, maisattention : 1/ être très bien protégé (casque, coudes, genoux ; gants épais car vibrations +++ et les muscles sont souvent crispés) 2/ Attention aux tendinites car le vélo de VTT n’est pas aux mêmes cotes que le vélo de route, le cadre est souvent plus ramassé : donc vigilance car il n’est pas question de démarrer la saison avec une tendinite rotulienne par exemple !! Consulter le médecin au moindre problème. Une ou 2 sortie(s) par semaine. Et j’aime conseiller de franchir des flaques de boue, pour « surfer », c’est un excellent exercice pour travailler l’équilibre 

E— ROLLER : intérêt certain à condition de savoir en faire !!! Car attention aux chutes ; et veiller à la qualité des protections (gants, poignets, coudes, casque, genoux). 2 séances par semaine, de 45 minutes. On peut placer des plots pour travailler l’harmonie des virages et le « surf » 

F— SKI de fond, les marches en raquettes : pour le coureur qui peut se le permettre c’est super pour travailler l’aérobie. L’idéal, si cela est possible, est de pratiquer autour de 1500 m d’altitude, et de dormir à plus de 3000 mètres ou plus.

G— TRAVAILLER les réflexes : je conseille volontiers, surtout chez le sprinter, de jouer un peu au tennis de table, ou au babyfoot, pour optimiser le travail des réflexes visuels ; ça me semble important ; également un jeu de vitesse sur PC; de même que le coursier intéressé peut essayer de faire l’exercice de sophrologie sur l’optimisation des réflexes.

H— FOOTING ???

« Bof »… Pourquoi : 1/ Ce ne sont pas les mêmes muscles qui travaillent en faisant de la course à pieds, par rapport au vélo. 2/ Attention aux tendinopathies spécifiques de la course à pieds, je ne détaille pas mais elles existent (surtout le « TFL » et le syndrome rotulien) Et souvent le cycliste ne sait pas courir, s’échauffe mal, gère mal cet entraînement. 3/ Attention au risque d’entorses de la cheville en courant sur des sentiers de campagne ou en forêt. 4/ attention car s’il y a des problèmes de statique au niveau des pieds, on va les aggraver. Pour ma part je conseille plutôt une bonne marche rapide, en forêt, d’une durée de 90 minutes, une ou 2 fois par semaine ; en groupe c’est plus sympa.

I— Les exercices de RELAXATION et de RESPIRATION :

Cela peut paraître un peu « hors sujet » mais je conseille, pendant 10 minutes en fin de journée, de s’allonger sur le dos, un coussin sous les pieds, un petit coussin sous les genoux, un coussin confortable sous la nuque, les bras en croix. Chercher à bien ressentir les mouvements respiratoires : inspiration abdominale puis thoracique ; puis expiration lente pendant laquelle on relâche les mâchoires, on laisse bien tomber les épaules, et on laisse aller le ventre, très confortable. Et pendant cet exercice, partir voyager dans le temps et dans l’espace pour retrouver des souvenirs sympas : son 1er vélo, les 1ères courses, les plus belles courses, ou des vacances sympas. Et on analyse bien les sensations de détente qui s’installent, muscle par muscle.