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=► MICHEL FEDRIGO LE CANNIBALE DE LA TOMATE

Par Le mardi, 09 juin 2020

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Article écrit par JOSSELIN GIRET
Publié le 18/09/20

    

Le Grand Prix de la Tomate, c’était son « championnat du monde ». Triple vainqueur de l’épreuve, le Marmandais Michel Fédrigo raconte la course de sa vie.

Dans ces années-là, le patron du peloton international s’appelait Eddy Merckx. Surnom : le cannibale. Palmarès : plus de 600 victoires, remportées entre 1965 et 1978. À la même époque, en Aquitaine, sévissait un autre cannibale. Un cannibale à l’accent marmandais.

Sur un vélo, Michel Fédrigo était du genre à écraser la concurrence. Fin septembre, surtout, sur son terrain de chasse attitré, le Grand Prix de la Tomate. « Mon championnat du monde. »

À 62 ans, presque trois décennies après la fin de sa carrière, l’ancien champion évoque sa belle époque dans un grand sourire, assis, chez lui à Roumagne, devant une incroyable collection de trophées. Pas les siens. Mais ceux de son fils, Pierrick, champion national en 2005 et vainqueur, entre autres, de trois étapes sur le Tour de France. « Je suis plus fier de lui que de toutes mes victoires », lâche le paternel.

Spolié en 1970

La « Tomate », combien de fois Michel Fédrigo l’a-t-il gagné ? Question embarrassante. L’ancien sprinteur marque une pause et fouille dans sa mémoire. « Trois ou quatre fois, je ne sais plus. J’ai un doute sur 1974. »

Cette saison-là, le peloton enchaîne deux courses en un week-end. Le Grand Prix du Tabac et la « Tomate ». « J’en gagne un, mais je ne sais plus lequel des deux. Et je fais 10e à l’autre. »

L’épreuve marmandaise, Michel Fédrigo y pose pour la première fois les roues en 1968. « J’avais 20 ans. Il y avait les meilleurs du peloton. L’élite. Des coureurs qui avaient fait le Tour. » Le Roumagnais termine 4e de la 1re étape et 2e de la seconde. Et échoue, au général, au pied du podium. « Mais c’était comme si j’avais gagné. » Un an plus tard, avec le maillot de Tonneins sur le dos, il enlève la première de ses neuf victoires d’étape. « M’imposer ici, chez moi, c’était énorme. »

Arrive 1970. Michel Fédrigo remporte les deux étapes en ligne, courues le samedi et le dimanche matin. La victoire finale lui tend les bras. Jusqu’au contre-la-montre de clôture. « Le chronométreur s’est trompé d’une minute. Tout le monde l’a vu, mais il n’a jamais voulu admettre son erreur. Du coup, je ne fais que 2e. Ça avait fait un petit scandale à l’époque. Et moi, je m’étais juré de ne plus jamais revenir sur le GP. »

Le sommet de 1981

Sa promesse, Michel Fédrigo s’y tient une saison. Le « Tomate » 71 se dispute sans lui. Avant son retour en 1972. « Je voulais ma revanche. » Elle sera éclatante. Trois étapes, trois victoires. « Dont la dernière sur le contre-la-montre avec quasiment le même temps qu’en 1970 ». Son succès est total. Et inscrit dans une incroyable série de huit victoires d’affilée, glanées entre le 4 et le 23 septembre, de Lavaur (24) à Baignes-Sainte-Radegonde (16). « Et le lendemain du Tomate, j’ai gagné une course à Saint-Martin-d’Ary. »

En 1973, Michel Fédrigo ajoute à son tableau de chasse une nouvelle étape et prend la troisième place du général. « Et je m’impose de nouveau en 1975 », raconte le Lot-et-Garonnais, toujours affûté. Deux podiums supplémentaires (1978 et 1979), un transfert au CC Marmande, et Fédrigo renoue avec la gagne en 1980. « Mais la Tomate n’a pas eu lieu cette année-là. On a couru un critérium en ville à la place. »

Vient l’édition 1981. « Le sommet de ma carrière, relate Michel Fédrigo. J’en garde des images très précises. J’étais vraiment tendu. Au point de devoir courir la veille pour faire passer le stress. » Le coureur du CCM s’engage le samedi à Vic-Fezensac. Pris dans l’électricité du moment, il part sans son sac. « En 18 ans de vélo, c’était la première fois que cela m’arrivait. On m’a prêté un maillot. Un autre coureur, Roger Saladié, m’a vendu un cuissard et des chaussures neuves. Un quart d’heure avant le départ, j’étais encore en train de clouer mes cales aux pédales. » Sixième dans le Gers, Michel Fédrigo rentre à Marmande plutôt pessimiste. « J’ai eu peur d’être cuit pour la Tomate. »

Producteur de légumes :

Le dimanche, le Roumagnais redoute la côte de la Bastide. « Je savais qu’il fallait attaquer avant. Tout le monde me surveillait, mais j’ai réussi à sortir dans un groupe de cinq ou six, le long du canal, vers Pont-des-Sables. On a passé la bosse à notre main, avec trois minutes d’avance. » Sur la ligne, Michel Fédrigo devance Marc Gomez, futur vainqueur de Milan-San Remo. « Personne ne pensait que l’on réussirait à prendre le large sur le plat. Mais c’était une tactique bien réfléchie. »

Encore troisième en 1982, Michel Fédrigo fait ses adieux au GP en 1983, avec une 14e place à la clé. Pour rejoindre, définitivement, son exploitation maraîchère. Michel Fédrigo, producteur de tomates, héros de la Tomate.